sonate op.6 en fa majeur | 1883
1_ allegro con brio_9:40
2_ andante ma non troppo_8:12
3_ finale allegro vivo_8:37
4_ romanze TrV 118 en fa majeur | 1883_9:09
5_ morgen op.27, n°4 | 1894_3:36 *
6_ befreit op.39, n°4 | 1898_5:37
7_ wiegenlied, op.41, n°1 | 1899_4:40
total time_49:33
Un violoncelliste classique, soliste à l’Orchestre symphonique de la Monnaie, engagé dans la musique de chambre, le jazz/rock et le folk/fiddle croise un pianiste éclectique familier de Bach, Chopin, Franck ou Corrigliano comme du jazz et de l’improvisation. Loco Motive Trio et Ô-Celli pour l’un, Soledad pour l’autre et jusqu’en 2014 le Trio Talweg pour les deux : Sébastien Walnier et Alexander Gurning s’amusent très sérieusement à décloisonner les approches musicales, fidèles au style qu’ils interprètent, libres de voyager d’un langage à un autre. Entre walking et awakening, entre la marche et l’éveil, Walning explore les genres en toute complicité.
La musique est une manière d’accepter la réalité en s’exprimant sans l’équivoque du langage. Dans l’instant et en mouvement, elle communique les vibrations d’un univers intime, parfois chaotique, en l’ordonnant avec sensibilité. Les œuvres de jeunesse de Richard Strauss, sa Sonate op.6 et la Romanze qui l’a suivie (1883) témoignent déjà d’une maîtrise harmonique de la lumière qui s’épanouira plus tardivement dans ses pièces orchestrales en s’affranchissant des mots. Cet instinct mélodique sûr nous a encouragés à interpréter trois de ses lieder composés entre 1894 et 1899 sans les paroles. Cependant, il ne s’agit pas de transcriptions ni d’arrangements : le violoncelle endosse tout simplement la partie dévolue au chant qu’accompagne le piano. C’est une première à l’enregistrement. Dans Morgen toutefois, nous avons demandé à Lorenzo Gatto d’interpréter le solo de violon écrit pour la partie orchestrale originale.
C’est un beau défi pour des musiciens de faire deviner l’expression narrative d’un lied sans le texte, même si nous ne jouons pas une musique à programme. Les pièces de Strauss s’y prêtent particulièrement par leur structure claire, leur récit implicite. À son époque, il était tout à fait décalé : il ne figurait pas parmi les « compositeurs maudits » héritiers de l’école de Vienne qui menaient leur révolution culturelle. Au contraire, il se rattachait à une certaine tradition comme Rachmaninov ou Mahler, en affirmant un style personnel, quasi sculptural, voire fantastique. Certes, cette démarche ne faisait pas l’unanimité (il suffit de lire Debussy), mais Strauss maniait très bien le kitsch, ironisant sur la « musique de bon goût » de ses adversaires.
Impossible de le jouer de manière scolaire ! Strauss demande qu’on se permette un peu de folie. À l’enregistrement, nous avons rapproché les micros des instruments pour une sonorité de proximité, parfois discrètement semblable à celle du jazz. Cette musique s’y prête naturellement. Ni révolutionnaire, ni conventionnelle, elle met en mouvement notre vision du classique sans la trahir.
Propos recueillis par Isabelle Françaix