Penthesilea, l’opéra de Dusapin, à nouveau acclamé !

Le compositeur français Pascal Dusapin, vient d’être récompensé par l’International Classical Music Awards pour l’enregistrement de son opéra Penthesilea paru sur le label Cypres.

© Pieter Claes
De gauche à droite :
Peter de Caluwe, directeur général et artistique de La Monnaie
Pierre-Jean Tribot, rédacteur en chef du site internet Crescendo Magazine et membre du jury
Cédric Hustinx, directeur du label Cypres

Dans le cadre des International Classical Music Awards l’album Penthesilea a été sacré meilleur album contemporain pour l’année 2020. Le CD avait été enregistré lors de la création mondiale de Penthesilea à La Monnaie et est paru en septembre 2019. Commandé pour notre saison 2014-15, cet opéra de Pascal Dusapin avait marqué par sa puissance et sa modernité.

Pascal Dusapin s’est confié à l’annonce de cette récompense : « Je suis très heureux et honoré de recevoir cette distinction du International Classical Music Awards pour l’enregistrement de mon opéra Penthesilea. Cet opéra pour le moins tragique semble être accompagné par des fées tant il m’a apporté de joies. Tout d’abord parce qu’il fut commandé et crée à La Monnaie de Bruxelles, ma maison d’opéra de cœur mais aussi parce qu’il a été édité par la magnifique compagnie de disques Cypres, dont on sait l’engagement et l’enthousiasme aux productions contemporaines.  Tous les artistes de cette aventure lyrique, Natasha Petrinsly, Georges Nigl, Marisol Montalvo, Werner van Mechelen, Eve Maud Marie Hubeaux, Thierry Coduys, le chœur et l’orchestre symphonique de La Monnaie conduit par Franck Ollu ont été absolument magnifiques de dévouement et de talents. Je remercie du fond du cœur les membres du jury pour ce trophée prestigieux. En ces temps où nous partageons toutes et tous une grande inquiétude, il est bon de recevoir un aussi beau signe d’espoir.”

Pascal Dusapin ne pouvant se libérer, c’est Peter de Caluwe, directeur général et artistique de la Monnaie, qui a reçu le prix, de la part de Pierre-Jean Tribot, rédacteur en chef du site internet  Crescendo Magazine et membre du  jury, et en présence de Cédric Hustinx, directeur du label  Cypres.

www.lamonnaie.com | www.cypres-records.com | www.crescendo-magazine.be

Écouter ou acheter cet album en ligne en cliquant sur l’image ci-dessous.

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REVUE DE PRESSE

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!!! 5 ETOILES DANS THE GUARDIAN !!! 12 septembre 2019, par Andrew Clements

https://www.theguardian.com/music/2019/sep/12/dusapin-penthesilea-review

Dusapin: Penthesilea review – restraint lends powerful drama a truly shocking edge

The story of an Amazonian queen who falls in love with the warrior Achilles and violently kills him, Dusapin’s work is taut and compelling, lingering in the mind.

First performed at La Monnaie in Brussels in 2015, Penthesilea was Pascal Dusapin’s seventh opera. Based on Heinrich von Kleist’s 1808 treatment of an episode from the Trojan war, it offers one of the alternative versions of the death of Achilles. In Kleist’s tragedy, Penthesilea is an Amazonian queen who sides with Troy and takes her warriors to fight against the Greeks. But she ends up as a prisoner of Achilles, with whom she falls in love, believing that she has defeated him. When she discovers the truth, though, she kills the Greek hero and joins her dogs in tearing apart his corpse, before killing herself in horror at what she has done.

Goethe thought Kleist’s tragedy unperformable, and the spare libretto, by Dusapin and the writer Beate Haeckl, pares the German text down to 11 short scenes, framed by an even shorter prologue and epilogue, and focusing on the confrontations between Penthesilea and Achilles. Penthesilea’s friend Prothoe, Achilles’ ally Odysseus and the Amazonian high priestess are the only other significant characters. The voices are mostly low – a mezzo Penthesilea, baritone Achilles – and much of Dusapin’s orchestral writing is similarly dark-toned, with the twang of a cimbalom and the jangling of a sistrum adding an archaic edge to the sounds. As an unbroken 90-minute span, it makes an impressively taut, compelling drama. The pacing may be generally slow, almost meditative, but that restraint makes the occasional eruptions of violence in the score, and above all the terrible denouement, even more shocking.

The recording from the Monnaie performances is wonderfully clear and spacious. Every detail of the orchestral writing, with the electronics that Duspain uses very sparingly, registers under Franck Ollu; the solo performances – Natascha Petrinsky a suitably histrionic Penthesilea, Georg Nigl a slightly thuggish Achilles, and Werner Van Mechelen a plausible Achilles – are mostly outstanding; only Marisol Montalvo’s rather hit-and-miss German as Prothoe jars occasionally. But this is a lingeringly powerful piece of music theatre, no doubt of it.

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Le Joker de Crescendo magazine, 3 novembre 2019, par Olivier Vrins.

Alors que, il y a un mois à peine, le Théâtre Royal de La Monnaie portait sur les fonts baptismaux le Macbeth Underworld de Pascal Dusapin, c’est un autre opéra du compositeur français, également commandé par La Monnaie, que vient de mettre en boîte le label Cyprès. Reposant sur un livret coécrit par le compositeur et Beate Haeckl, Penthesilea fut, quant à lui, créé au cœur de l’illustre maison d’opéra bruxelloise le 31 mars 2015. Ce coffret est le fruit de séances d’enregistrement qui se déroulèrent du 7 au 9 avril 2015 à l’occasion de cette production.

Le mythe de Penthésilée, sans nul doute l’un des récits les plus monstrueux de la Grèce antique, fut relaté en 1807, avec une violence insoutenable, par Heinrich von Kleist. Suite à un viol, les Amazones se sont interdites d’encore aimer un homme, à moins de l’avoir vaincu. Vient le jour où leur reine, Penthésilée, succombe aux charmes d’Achille, son ennemi de toujours qui a juré la perte de son peuple. L’habile guerrier va feindre d’avoir été battu, afin que sa soupirante puisse donner libre cours à son amour et baisse ainsi la garde. Ayant soumis la jeune femme à ses charmes, le bougre dévoile ensuite la supercherie aux Amazones, exposant de la sorte Penthésilée à l’opprobre de ses sujets: voilà que la loi ancestrale, justifiée par une défloraison et glorifiée depuis lors en dépit du bon sens, est elle-même violée par celle-là même qui devait montrer l’exemple. Folle de rage, la reine déshonorée dévore son amant. Prenant conscience de son méfait, elle se donne à son tour la mort.

C’est le regretté Harry Halbreich (que les lecteurs de Crescendo Magazine connaissent bien) qui amena Dusapin à s’intéresser à la scène finale de la Penthesilea de Kleist. La cruauté du mythe exerça sur le compositeur un attrait immédiat, sans qu’il puisse s’en expliquer: « Un créateur n’a pas toujours besoin de savoir pourquoi il doit faire les choses, il les fait, voilà tout. C’est ainsi que, pour des raisons qui restent obscures même pour moi-même, Penthésilée, c’est moi. » Le sujet convenait, il est vrai, parfaitement à un compositeur qui n’a jamais rechigné à inscrire au cœur de ses œuvres des questions existentielles. Selon Dusapin, « l’exercice quotidien de la composition musicale incline à vivre dans un univers de représentations idéales, en somme libéré du réel. Il faut s’en garder. L’opéra peut ancrer de nouveau le compositeur au sol grâce aux thèmes politiques qu’il peut y aborder. C’est ainsi que l’écriture d’un opéra me permet de rendre compte d’une inquiétude au monde. » Et de poursuivre: « Mon intuition est que la structure narrative de Penthesilea existe aujourd’hui dans tous les conflits qui ne cessent de parsemer la planète. (…) Christa Wolf écrit: ‘Nous anéantissons ce que nous aimons.’ Voilà, ramené à une formule générale, ce que nous dit Penthésilée. Cette formule semble en parfait accord avec notre époque. » Comment lui donner tort ?

Ceux qui eurent la chance d’assister à la création de la Penthesilea de Dusapin au printemps 2015 conservent le souvenir impérissable d’ »un geste musical barbare, d’une puissance rare et d’une évidente et fascinante modernité« . C’est en ces termes que Michel Boëdec résumait à merveille, sur ce site, l’impression produite par l’avant-dernier opéra de Dusapin; « un immense ‘continuum vocal’ lie intimement la fosse et la scène (…) donnant à ce spectacle total, à cette tragédie antique, une imposante cohérence et une expressivité ardente. L’orchestre (…) et le chœur sont dirigés avec pertinence et efficacité par Franck Ollu (créateur de ‘Passion’ de Dusapin en 2008). Sur scène, Nata[s]cha Petrinsky, puissante mezzo dramatique, incarne avec rage et fureur une ‘Penthésilée’ impétueuse guerrière, sauvage et séduisante à la fois, tout simplement juste à chaque instant de l’ouvrage. ‘Achille’ ne pouvait être chanté que par le baryton George Nigl, fidèle ami du compositeur, qui sculpte le texte d’amour et de haine avec intelligence et détermination. Pour leurs débuts à La Monnaie, Marisol Montalvo (Prothoé, la confidente) et Ève-Maud Hubeaux (Grande Prêtresse) sont des interprètes justes et émouvantes. La mise en scène de Pierre Audi sert la dramaturgie avec éloquence au cœur des décors originaux, troublants mais convaincants de Berlinde De Bruyckere (avec la participation talentueuse de la vidéaste Mirjam Devriendt). (…) L’œuvre, moderne, évidente, sombre, grave, archaïsante parfois, aux couleurs souvent modales, tisse d’étonnantes correspondances sonores, redessinant le temps qui passe (…). Pascal Dusapin atteint ici la maturité de son art et, violente, authentique, forte et fragile à la fois (…), la partition de ‘Penthesilea’ démontre, s’il était nécessaire, que l’opéra contemporain n’est pas mort mais bien ‘vif’. »

Tout est dit, ou presque.

La Penthesilea de Dusapin porte en son sein tous les paradoxes. S’y mêlent, en effet, jusqu’à ne plus faire qu’un, la sauvagerie de l’héroïne et la noblesse des sentiments qu’elle éprouve envers Achille, la loi et le parjure, la modernité et l’archaïsme (la harpe, le cistre et le cymbalum conviés par le compositeur n’évoqueraient-ils pas la lyre antique qui accompagnait les récits mythologiques de nos ancêtres?), la sauvagerie des gestes et la lenteur des tempi, l’intransigeance de la sentence infligée à Achille et la générosité du tissu sonore. La violence qui hante la tragédie, Dusapin l’exprime et l’exorcise tout à la fois. C’est sans doute là que réside la qualité essentielle de son opéra: le compositeur dépeint avec un réalisme à couper le souffle la brutalité hautaine et la bestialité du mythe en la drapant dans la soie noire et pourpre d’un orchestre qui ne renonce pas, loin s’en faut, à une certaine forme de séduction. L’austérité discursive se double ainsi d’un envoûtement instrumental, conférant presque à l’œuvre la dimension d’un rituel incantatoire. L’instrumentation, qui fait appel à rien moins qu’une soixantaine de musiciens, l’orchestration, hésitant sans cesse entre le plus complet dénuement et l’épaisseur d’un bloc de granite, auxquelles s’ajoute un dispositif électronique, utilisé avec parcimonie mais toujours à bon escient à des fins dramaturgiques, y sont pour beaucoup. La variété et l’originalité des timbres, la richesse des percussions, les subtils jeux de résonance, les sombres pédales qui s’installent dans les registres graves, une sage alternance entre séquences lentes et dépouillées et passages incisifs et acariâtres, contribuent à faire de cette œuvre une totale réussite. Un coup-de-poing dans un gant de velours !

À l’écoute de ces deux disques, on peinerait presque à croire qu’ils ont été enregistrés en concert. D’une limpidité exemplaire, la prise de son, proche de la source, rehausse l’interprétation des musiciens, d’une épatante sincérité. Le dispositif électroacoustique dû à Thierry Coduys tournoie en stéréo. L’absence de l’image parvient pratiquement à se faire oublier – encore qu’un DVD apporterait un complément plus que bienvenu à ce double CD.  

Un seul bémol à ce coffret : l’absence de traduction du livret, uniquement disponible dans la langue originale – l’allemand. Le synopsis permet néanmoins de suivre, fût-ce d’assez loin, le fil de l’action.

Son 10 – Livret 6 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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Le Diamant d’opéra de Opéra Magazine, 1er novembre 2019, par Patrick Scemama

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4 ffff de Télérama, 15 octobre 2019, par Sophie Bourdais

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Diapason, novembre 2019, par Gérald Condé

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ForumOpera, 1er octobre 2019, par Alexandre Jamar

Pascal Dusapin doit être un homme comblé. Alors que l’on crée son Macbeth Underworld en ce moment à Bruxelles, c’est l’enregistrement de son précédent ouvrage lyrique qui vient de sortir de chez le label belge Cypres. Penthesilea était également une aventure bruxelloise, puisqu’il s’agit ici de l’enregistrement de la première production, à la Monnaie en 2015.

A l’image de ses autres propositions scéniques, Dusapin reprend un mythe ancien (celui de la relation entre Penthésilée et Achille, revue et corrigée par Kleist) an d’en proposer une relecture plus contemporaine. Le fort beau livret est le fruit d’une collaboration entre le compositeur et la dramaturge allemande Beate Haeckl. Ici, la violence terriante de la guerre alterne volontiers avec une certaine tendresse chez les personnages principaux. Leurs pulsions amoureuses et destructrices coexistent en permanence dans un monde à la fois juste et cruel.

Avec sept solos d’orchestre, huit opéras et des concertos à n’en plus nir, Dusapin a su se forger une incomparable science de l’orchestre. Des longues plages solistes aux tuttis violents, c’est un fantastique paysage sonore qui se déploie sous nos oreilles. Le langage harmonique sensuel et obsessionnel (hérité de Janaček) est orchestré en nappes sombres et suaves, percées de saillies rythmiques savamment disposées en fonction du texte. On regrette simplement une prosodie allant assez souvent contre l’accent, qui laisse poindre un allemand parfois franchouillard, même chez les muttersprachler que sont Georg Nigl ou Natascha Petrinsky. 

Le défi de ce disque était probablement de capturer la grande violence du spectacle (la mise en scène de Pierre Audi y était pour quelque chose), sans sombrer dans un expressionnisme facile. En ce sens, la partie masculine du casting s’en sort à merveille. Georg Nigl n’en est pas à sa première collaboration avec Dusapin (O Mensch, Passion, Faustus…). Il défend son rôle avec une hargne stupéfiante, et un engagement vocal continu. Même si son rôle est plus en retrait, Werner van Mechelen ne démérite pas du tout en Ulysse, brossant le portrait vocal d’un personnage profondément humain.

Côté femmes, le bilan est plus mitigé. Eve-Maud Hubeaux tire son épingle du jeu avec une Prêtresse pétrie de noblesse, qui ne cède jamais aux facilités du cri. De Marisol Montalvo, on ne retient plus grand chose, tant la voix a été usée à coups de Pli et de Lulu. Enfin, la performance de Natascha Petrinsky est à nuancer. On imagine volontiers que la prestation scénique doit être irréprochable, mais, privés du visuel, il faut avouer que le haut médium et les aigus ne sont plus ce qu’ils ont été. Heureusement, son interprétation incandescente de Penthesilea rachète ce petit manque vocal.

On sent le chœur de la Monnaie sur la réserve ce soir là : la partition est connue, et livrée avec succès, mais plus d’engagement n’aurait certainement pas été de trop. L’orchestre de la Monnaie tire le meilleur de la sombre pâte orchestrale qui innerve tout l’ouvrage (on salue en particulier le travail des cuivres). Franck Ollu règne en maître sur la fantastique architecture sonore, et nous rappelle que cet opéra doit avant tout son succès à la fantastique toile instrumentale tissée par Dusapin.

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MUSIKZEN, 16 décembre 2019, par Franck Mallet

Créé par son commanditaire, La Monnaie de Bruxelles, en 2015, Penthesilea, neuvième ouvrage lyrique du Français Pascal Dusapin (né en 1955), tire son livret du drame de Kleist (1808) – où le romantique allemand oppose l’individu à l’ordre social, à l’imitation du théâtre grec dont il reprend les règles : unité de temps, nombre de scènes, représentation de la cruauté dans l’esprit d’Euripide, etc. Chanté dans la langue originale, le livret a été coadapté par le compositeur et Beate Haeckl. À la sauvagerie et l’horreur du personnage de la reine des amazones, qui anéantit ses ennemis et son amant Achille en les faisant dépecer par ses chiens, Dusapin oppose le raffinement insidieux de cordes effleurées, à l’image du soliloque de la harpe en introduction et d’un cymbalum orientalisant déployé à la scène 11, et de vents tourmentés, comme ce précipité de hautbois, basson et flûtes (scène 7). Moins heureux, hélas, ces cuivres stridents néo straussiens (Salomé !) éculés, exploités à satiété depuis Varèse et Berio, que l’on oublie face à l’incandescente prestation de Natascha Petrinsky, mezzo-soprano dont l’aigu percutant comme le grave abyssal donnent chair à la furieuse Penthésilée – à l’unisson avec celui, plus modeste, d’un des fidèles du compositeur, le baryton-basse Georg Nigl.

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L’Echo, 31 août 2019, par Xavier Flament

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La Libre Belgique, 27 septembre 2019, par Martine Dumont-Mergeay

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Musiq3, Le Moment Musical, 30 août 2019, par Camille De Rijck

https://www.dropbox.com/s/s24zi1oxf0uvb20/CYP4654_Dusapin_Penthesilea_Moment_Musical_30_8_2019.mp3?dl=0

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AVANT-SCÈNE OPÉRA, 14 novembre 2019, par Pierre Rigaudière

La mythologie réussit manifestement à Pascal Dusapin. Les figures de Niobé, puis de Médée – qui furent d’ailleurs rapprochées par une mise en scène jumelée non prévue à l’origine – coïncidaient naturellement avec une écriture incandescente. L’Amazone Penthésilée vibre d’une tension dialectique entre Eros et Thanatos dont le livret concocté par Beate Haeckl et le compositeur, conformément au texte de Heinrich von Kleist qui en est la source, n’offre aucun exutoire à l’issue tragique.

Le compositeur favorise un expressionnisme se manifestant en premier lieu par des lignes mélodiques dessinées par de grands intervalles. Outre la dureté harmonique qu’elle appelle, cette vocalité entraîne une projection assez contrainte, dont on peut supposer qu’elle cause la légère acidité qui accompagne les premières répliques de la Prothoé de Marisol Montalvo, vite dissipée cependant pour laisser place aux teintes plus chaleureuses qui caractérisent la soprano américaine. Si Georg Nigl investit pleinement le rôle d’Achille, il est lui aussi porté par cette écriture vers un recours fréquent au parlando et, les lignes mélodiques en dents de scie aidant, vers une tendance à la dé-mélodisation du discours, qu’accentuent certains passages en force dans des moments presque criés. Quoique le propos en soit bien différent, on ne peut s’empêcher de penser à son Jakob Lenz (dans l’opéra du même nom de Rihm) ; le fait que les deux productions aient été montées la même année dans la même maison aura peut-être incidemment rapproché les deux personnages.

La mezzo-soprano Natascha Petrinsky incarne une Penthésilée très virulente, à laquelle sa voix presque double, tant son timbre diffère en effet entre les registres grave et aigu, confère une présence magnétique. Le fait que la Prêtresse, qui tente de la canaliser avant de devoir finalement la rejeter, soit incarnée elle aussi par une mezzo-soprano aux qualités assez proches (Ève-Maud Hubeaux) induit une intéressante ambiguïté. La prestance du baryton-basse Werner van Mechelen sert avec une grande efficacité le contraste dramaturgique qui démarque son Ulysse/Odysseus d’un Achille déstabilisé par sa passion subite.

L’autre pôle stylistique de cet opéra se signale par un langage modal assorti de textures à tendance hétérophonique, combinaison devenue idiomatique du langage du compositeur. Il est lié ici aux moments plus introspectifs et apporte à l’occasion une touche d’orientalisme associée en premier lieu au personnage de la Prêtresse, soulignée par la présence d’un cymbalum aux faux airs de santur ou un son de flûte ney. Si le minimalisme d’une écriture plus évidée apporte de bénéfiques moments de respiration à cet opéra tout en tension, il y ouvre aussi quelques béances harmoniques que le recours aux des sons électroniques – un orage hollywoodien, une meute de chiens, des jets de flèches, dont le réalisme relève d’un choix esthétique surprenant –, pas plus que l’usage intensif des percussions, ne comble véritablement.

Malgré les réserves qu’elle peut inspirer, cette Penthesilea est une œuvre d’une indéniable puissance dramaturgique, qui ne pâtit d’aucun temps mort, et à laquelle sa noirceur confère une indéniable vertu cathartique.

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Le Figaro, 17 septembre 2019, par Christian Merlin

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Critics Choice dans Opera News, par Joe Cadagin

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